Au pays des lamas
Chaque matin, en allant au boulot, je commence un slalom digne des plus grands tests de tenue de route des voitures, j’ai peur de détruire le tableau qu’entreprennent mes compatriotes chaque matin, et qui me rappelle que nous sommes un pays d’artistes qui transforment les rues en tableaux de maîtres, je ne sais pas s’ils font dans l’abstrait ou l’impressionnisme, mais le moins qu’on puisse dire, c’est que cet art est très impressionnant, en effet ces peintres contemporains ont aussi des dons musicaux, avant de commencer la toile, ils se livrent à des exercices vocaux, dégageant des mélodies harmonieuses qui varient du rugissement des félins au coassement des grenouilles pour se terminer par un « tfouuuu » ou un « teff » très disgracieux, chaque mélodie donne suite à une mini flaque gélatineuse et répugnante s’ajoutant au paysage qui prend ainsi une coloration vert pastel ton sur ton, je ne sais pas si c’est parce que nous le valons bien, mais en tout cas j’estime que nous valons mieux que de nous livrer à ce genre de rites iconoclastes; je me demande d’ailleurs si nous sommes une société qui vénère les lamas, bien que cet animal ne crache que lorsqu’il est fâché, au contraire des mâles d’Homo Sapiens tunisiens, qui crachent en tout temps, ce qui me laisse penser à deux théories différentes, soit ce sont nos instincts qui s’expriment pour que nous marquions notre territoire, soit c’est le propre de l’homme qu’est l’intelligence , qui veut que chacun laisse une trace dans l’histoire ; c’est vrai que comme trace ce n’est pas aussi grave que bon nombre de dictateurs et d’empereurs qui ont laissé des mares de sang derrière eux, ça reste néanmoins très au-dessous des œuvres qu’on laissé les artistes, surtout que ces tableaux à salive ne sont pas indélébiles. Que dieu leur coupe les glandes salivaires, comme ils me coupent l’appétit chaque matin, ces maudits lamas.